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La suspension des procédures en matière de faillite s’applique aux autorités fiscales

Dans l’arrêt Girard (Syndic de) 2014 QCCA 1922, la Cour d’appel du Québec a établi que la suspension des procédures qui découle du dépôt d’une faillite ou d’une proposition en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité s’applique également à l’Agence du revenu du Québec et à l’Agence du revenu du Canada. Par conséquent, le processus d’émission d’un avis de cotisation est suspendu, et un avis de cotisation ne peut être émis en tant que tel, postérieurement à la faillite ou à la proposition. Toutefois, sur le plan pratique, un « avis de cotisation » peut toujours être émis pour chiffrer la créance fiscale, mais celui-ci n’aura alors la valeur que d’un simple état de compte et les délais pour le contester ne seront pas enclenchés. Par analogie, ce serait comme un créancier qui annexe à sa preuve de réclamation un projet de Demande introductive d’instance.

Dans la mesure où les autorités fiscales désirent enclencher le processus formel de cotisation et d’opposition, alors elles devront présenter une demande au tribunal de faillite de lever la suspension des procédures en vertu de l’article 69.4 LFI.

Dans l’arrêt M. Diamond & associés inc. c. Agence du revenu du Québec 2023 QCCA 250, la Cour d’appel du Québec a invoqué Girard pour établir que le débiteur demeure dans la position d’un « défendeur » tout au long du processus de cotisation, même parvenu devant la Cour du Québec où il est techniquement désigné comme « demandeur » en vertu des règles de procédure civile. En effet, l’émission d’un avis de cotisation par les autorités fiscales visent à donner naissance à un droit de créance en leur faveur envers le débiteur, et les oppositions ou les appels subséquents logés par celui-ci visent à se défendre contre une telle réclamation monétaire.

Par conséquent, lorsqu’un débiteur avait intenté un recours judiciaire devant la Cour du Québec avant sa faillite, les procédures dans cette instance sont suspendues automatiquement par le recours à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. L’ARQ ne peut pas signifier au syndic un Avis de reprendre l’instance puis chercher à faire rejeter la demande judiciaire en cas d’inaction du syndic. Un tel avis est alors nul de nullité absolue, puisque la suspension des procédures demeure en place. Encore une fois, les autorités fiscales devront présenter une demande de lever la suspension des procédures en vertu de l’article 69.4 LFI si elles désirent forcer le syndic à reprendre l’instance. Sur le plan pratique, il est peu probable qu’une telle autorisation soit accordée, à moins que la créance fiscale ne soit en litige dans le contexte du dossier de faillite et qu’il faille alors procéder à sa liquidation devant le tribunal spécialisé.

Le raisonnement de l’arrêt Diamond devrait s’appliquer également aux affaires pendantes devant la Cour canadienne de l’impôt, même si, en pratique, les tribunaux fédéraux expriment souvent des réticences à suivre la jurisprudence en matière de faillite qui émane des cours provinciales.

Référence : Girard (Syndic de) 2014 QCCA 1922 https://canlii.ca/t/gf19h

M. Diamond & associés inc. c. Agence du revenu du Québec 2023 QCCA 250 https://canlii.ca/t/jmjpw

Avocat impliqué : Me Jean-Philippe Gervais